GÉNÉRALISER LE SALAIRE À VIE
UN SALAIRE INCONDITIONNEL POUR EN FINIR AVEC LE CHÔMAGE ET LA PRÉCARITÉ
Le salaire à vie dans sa version intégrale repose sur une idée simple : la socialisation de l'ensemble de la valeur ajoutée marchande. Autrement dit, la valeur produite par les entreprises françaises est mutualisée pour être affectée à la population sous la forme d’un salaire inconditionnel perçu dès la majorité.
Comment ça marche ?
Ce n’est plus l’entreprise qui verse les salaires mais la caisse des salaires à laquelle elle a cotisé. L’entreprise ne s’occupe plus des fiches de paie et se concentre sur la production et la mise en œuvre des projets. Le principe n’est pas nouveau, il fonctionne pour des millions de retraités, les soignants, les parents qui perçoivent un salaire socialisé. Il s’agit ici simplement de généraliser une institution salariale qui existe déjà : la cotisation sociale. Plus d’impôts, plus de régimes de retraite, mais une seule caisse des salaires pour la vie. Si on estime à 50 millions le nombre d’adultes, cela fait 1300 Milliards d’€ de valeur ajoutée marchande à répartir entre 50 millions d’habitants, soit ≈ 2200 €/mois de salaire moyen…
Le salaire : un droit du producteur
Le salaire à vie n’implique pas pour autant de renoncer à la motivation financière. Un premier salaire est garanti à tout le monde, mais celui-ci évolue en fonction de l’ambition, de l’engagement et des besoins de chacun. Ainsi, personne n’est plus condamné à la mort sociale s’il n’a pas de travail. C’est la philosophie de départ des aides sociales, du RMI puis du RSA, mais leur faible montant ne permet pas d’accéder à la dignité sociale ni à la reconnaissance du statut de producteur. Nous touchons ici un point essentiel : nous sommes tous producteurs donc nous avons tous droit à un salaire et non pas à une "allocation" financer pas l'impôt, exactement de la même manière que nous sommes tous citoyens et nous avons tous le droit de vote, que nous l’utilisions ou pas. Avec le salaire à vie, il ne s’agit plus de faire la charité à ceux qui ne trouvent pas leur place sur le marché de l’emploi, mais bien d’accorder un salaire décent à tous ceux qui sont en âge de travailler.
Évoluer grâce à la qualification
Un étudiant touchera un salaire à vie car il se forme pour pouvoir exercer une profession utile à la société, c’est donc un travail. Un salarié pourra améliorer son salaire en fonction de son degré de qualification, qu’il faut distinguer de son degré de certification. La certification garantit une aptitude (diplôme), la qualification évalue un parcours professionnel, un niveau de contribution à la création de valeur économique, donc une hiérarchie des salaires. L’évaluation par un jury, des critères, des épreuves de qualification comportera assurément sa part de conflits, car elle touche à l’affectation de la valeur, mais au moins la production sera débarrassée de la violence du marché du travail et de la captation actionnariale. [lire Qu’est-ce que la qualification ?]
UN SALAIRE INCONDITIONNEL POUR EN FINIR
AVEC LE CHÔMAGE ET LA PRÉCARITÉ
Faire de l’entreprise un patrimoine commun
Aussi, le salaire à vie est-il indissociable d’une démocratie sociale, car si je touche un salaire inconditionnel, il y a de forte chance que je refuse de travailler pour satisfaire les exigences de rentabilité d’un actionnaire, ce que nous appelons la propriété lucrative. Il faut donc que chacun soit responsabilisé au sein de son unité de production pour répondre volontairement aux besoins de la société. Comme actuellement dans les coopératives de production, il faut généraliser à tous le tissu économique le principe un salarié = une voix au conseil d’administration. On ne travaille plus pour un employeur mais on travaille pour soi-même au bénéfice de tous. La propriété lucrative est donc remplacée par la copropriété d’usage. L’entreprise qui appartenait à une minorité devient un patrimoine commun à tous les salariés codirigé démocratiquement.
Se libérer de l’emploi pour vaincre le chômage
Percevoir un salaire à vie sera une formidable occasion de libérer les forces sociales et d’en finir avec le marché du travail, les employeurs et le chômage. L’esprit d’initiative, l’entrepreneuriat ne seront plus bridés par une économie inégalitaire et son financement prohibitif. Chacun pourra se lancer individuellement ou au sein d’un collectif de travail dans le projet qui lui semble profitable à la collectivité avec l’assurance de bénéficier d’un salaire à vie. Les entreprises débarrassées des contraintes actionnariales pourront partager le travail et s’engager dans une transition écologique sans le souci de compétitivité responsable de l’épuisement des hommes et des ressources naturelles.
S’il y a une réelle difficulté à envisager un modèle économique qui s’émancipe radicalement du capitalisme, c’est parce ce que cela demande, non seulement, de rompre avec les pratiques actuelles mais aussi de penser les comportements sociaux autrement qu’à travers les présupposés de l’économie marchande. Le salaire à vie est une révolution mais c’est d’abord le prolongement logique des conquêtes sociales obtenues par le salariat qui représente aujourd’hui 90 % de la population active. Nous n’inventons rien, nous ne faisons que généraliser nos conquêtes à tout le corps social.
Salaire à vie ou revenu de base ?
Le salaire à vie se distingue du revenu de base d’abord parce que c’est un salaire et non pas une allocation pour satisfaire ses besoins primaires. Nous percevons un salaire parce que nous sommes producteurs, ce qui est très différent. Ensuite, parce que le salaire à vie ne propose pas de se substituer aux prestations sociales, mais d’accorder un vrai salaire inconditionnel qui permette à chacun de vivre dignement et d’exercer son droit au travail. Si le salaire à vie et le revenu de base ont en commun la volonté de ne pas lier la rémunération à l’activité économique, ils peuvent se distinguer par leur mode de financement. Là où le salaire à vie repose sur la cotisation sociale pour répartir la valeur économique produite par le travail, le revenu de base se finance par la fiscalisation des profits. Fiscaliser les profits c’est encore légitimer les profits, donc cautionner le marché du travail, les employeurs et la propriété lucrative. Bref, avec le salaire à vie, je ne suis plus un être de besoin mais reconnu comme un producteur de valeur, je n’ai plus à prouver mon employabilité.
